« Chez combien de chefs étoilés peut-on travailler dans sa vie ? », a demandé un jour Alain Crivelli, Finistérien d’adoption, à son ami Yvon Morvan, ex-chef étoilé. « Quatre ou cinq, maximum ! » Il n’en a pas fallu plus pour faire naître une idée un peu folle dans la tête de ce formateur en cuisine. « Je voudrais faire valider un record dans le Guinness book : travailler vingt jours chez vingt chefs étoilés différents », expose Alain Crivelli.
Depuis le 10 décembre 2019, il suit donc la route des popotes étoilées qu’il a choisies en Bretagne d’abord, puis à Paris et Lyon. La Ville Blanche, à Rospez près de Lannion (Côtes-d’Armor), sera son unique étape costarmoricaine. « Yvann Guglielmetti a tout de suite accepté de m’ouvrir sa cuisine, savoure le gourmet impatient d’intégrer l’équipe de la Ville Blanche. Je suis un buvard, toujours avide d’apprendre. »
Pourtant, le personnage haut en couleur n’est pas de la partie depuis très longtemps. « À 16 ans, mon père m’a fait deux propositions : entrer à l’École des mousses ou comme apprenti chez Paul Bocuse », se souvient Alain Crivelli. Il a préféré la Marine, pour finalement se tourner vers un métier dans la communication, en Bretagne.
Aujourd’hui, une question sans réponse trotte dans sa tête : que ferait-il maintenant s’il avait penché pour la seconde option ?
Ce Lyonnais d’origine a toujours eu de l’appétence pour la bonne chère. « Ma sœur est cuisinière, ma belle-mère est ce qu’on appelle une mama italienne. Chez moi, Il y a toujours beaucoup de monde autour de la table. »
Considéré comme un bon cuistot par ses amis, ce sont eux qui le poussent à s’inscrire à l’émission Un dîner presque parfait. « C’était en 2013… et j’ai gagné ! » Pour lui c’est le déclic. Il fait de sa cuisine son antre. Embraye sur d’autres émissions, dont Master chef. « Là, j’ai rencontré des grands chefs qui m’ont coaché. »
Quand à 56 ans il est licencié, une conseillère de Pôle emploi le reconnaît et le dirige vers un CAP cuisine. Hasard ou destinée ? Peu importe.
Alain s’éclate en cuisine. « J’avais un bon niveau mais j’ai repris toutes les bases qui me manquaient. Je suis redescendu de cinq niveaux pour remonter petit à petit. » À 57 ans, CAP en poche, il trouve du travail immédiatement, « comme formateur au Centre de formation professionnelle pour adultes dans lequel j’ai passé mon diplôme », sourit-il. Détaché auprès de la maison d’arrêt de Brest, c’est à son tour de transmettre un savoureux mélange sociogastronomique.
À l’aube de ses soixante ans, le voilà sur la piste aux étoiles. « Avec toujours en tête de voir, de sentir, d’engranger. » S’il peut faire valider son exploit au Guinness des records, tant mieux, mais là n’est pas l’essentiel pour Alain. « En vérité, c’est d’aller travailler dans ces restaurants qui compte le plus pour moi. » Après sa halte à la Ville Blanche, Alain Crivelli va tracer sa route dans le Morbihan, puis se frotter à la cuisine parisienne pour finir en beauté chez Paul Bocuse, à Lyon. « Une façon de remonter le temps, comme ça, je n’aurai rien à regretter. »